Des travailleurs/euses de TEKEL – ancien monopole d’état du tabac – de toutes les régions de la Turquie ont convergé vers Ankara le 15 décembre 2009 afin de protester contre la décision soudaine prise par le gouvernement de fermer leurs lieux de travail.
Alors que janvier tire à sa fin, ils/elles sont toujours dans la ville, habitant des tentes de fortune dressées dans les rues entourant le siège de la confédération syndicale turque Türk-Is à laquelle est affilié leur syndicat, Tekgida-Is.
Quelques 10 000 travailleurs/euses, membres de leurs famille et supporters sont arrivés/es à Ankara en décembre afin de manifester en faveur des droits des travailleurs/euses, d’un traitement équitable et de la dignité humaine. Ces personnes sont venues dans la capitale afin de confronter un gouvernement qui a renié ses engagements, qui affiche son mépris de leur syndicat et qui veut miner les droits pour lesquels les travailleurs/euses de la Turquie se sont battus/es et qu’ils/elles ont gagnés dans le passé.
Il y a à l’heure actuelle environ 4 000 manifestants/tes dans la ville, beaucoup étant retourné à leur domicile pour être avec leurs enfants durant les vacances scolaires actuellement en cours. En même temps, de nombreux enfants ont rejoint leurs parents à Ankara. « Nos enfants ont été élevés dans la résistance », dit une femme de la ville de Tokat, dans le nord de la Turquie, qui travaillait dans une usine de cigarettes. Plusieurs de ces travailleurs/euses ont pris part aux luttes syndicales depuis la fin des années 1990, lorsque les premiers plans de privatisation de TEKEL ont été formulés.
Aujourd’hui, les travailleurs/euses sont à Ankara pour mener la lutte finale. Leurs lieux de travail n’existent plus et si le gouvernement obtient ce qu’il souhaite, les travailleurs/euses seront dépouillés/es de leur statut juridique de travailleurs/euses et de touts les droits et les avantages connexes, incluant la représentation syndicale. Le gouvernement a décidé d’appliquer à ces anciens/nnes travailleurs/euses du tabac une loi qui les réduit au statut de travailleurs/euses occasionnels/lles selon des contrats hautement précaires. Le gouvernement a déjà assujetti quelques 19 000 anciens/nnes employés/es d’entreprises d’état à la loi dite du statut 4-C; les travailleurs/euses du tabac et leur syndicat, Tekgida-Is, sont maintenant aux premières lignes de la résistance contre l’autoritarisme du gouvernement et de la lutte pour l’abolition de cette loi.
Les travailleurs/euses de TEKEL ont reçu un soutien exceptionnel du public, clairement sympathique à leur lutte et qui en reconnaît l’importance plus large. Leurs tentes de toile, de plastique et d’emballage-bulles contiennent des tapis, des couvertures, des lits de camp et des tabourets fournis par des citoyens de la ville. Tekgida-Is a fourni un poêle à chacune des quelques 25 tentes ainsi que du bois et du charbon, tandis que les habitants/es de la ville ont fourni des fenêtres, des palettes et des caisses en bois. L’alimentation en électricité est assurée par des entreprises et des citoyens et citoyennes des immeubles environnants. Une clinique médicale a été installée dans l’immeuble de Türk-Is par des médecins et des infirmières bénévoles. L’association des pharmaciens fournit des médicaments, l’association des barbiers et coiffeuses offre des coupes de cheveux gratuites et les ménagères recueillent et lavent les vêtements sales. Un serveur dans un restaurant partiellement caché par une tente, tout en regrettant le ralentissement des affaires, affirme que les travailleurs/euses de TEKEL ont raison de manifester et se dit fier du soutien apporté par le restaurant en permettant l’approvisionnement en eau et l’utilisation des salles de bain.
Les médias ont aussi apporté leur soutien et le service qu’ils rendent en donnant une voix aux travailleurs/euses est sans prix.
Pour le président de Tekgida-Is, Mustafa Türkel, les droits des travailleurs/euses et les droits syndicaux ont été un élément fondamental du processus de démocratisation de la République turque et il est crucial de protéger ces droits pour préserver la démocratie. Son leadership et sa présence sont un phare pour les travailleurs/euses qui ont entrepris cette lutte. Sa visite quotidienne dans chacune des tentes est une source d’inspiration et d’encouragement alors que les travailleurs/euses continuent de protester dans des conditions difficiles, loin de leurs foyers.
